Témoignage de Jeanne - lesbienne
Pendant de nombreuses années, j’ai menti. Je n’assumais tellement pas mon homosexualité que, pour répondre aux questions de mes amis qui me voyaient heureuse, j’avais inventé un petit ami qui vivait à l’étranger. Car même dans le mensonge, j’avais besoin de parler, de partager, de dire mon amour, ma joie, mon bonheur, en faisant toujours très attention de ne pas dire « elle » à la place de « lui ».
J’étais devenue une experte, nous étions devenues des expertes avec mon amie qui n’assumait pas plus que moi. Mais malgré le bonheur de vivre cette première expérience homosexuelle qui répondait enfin aux nombreuses questions que je me posais, le mensonge me rongeait. Ne pas commettre d’impair, ne pas se montrer, inventer des stratagèmes pour se voir car nous étions chacune en collocation, pour s’appeler à une époque sans téléphone portable…
Mais je me mentais surtout à moi-même, n’osant pas, ne pouvant pas accepter qui j’étais. Je crois que mon premier coming out, et le plus dur, fut de me le dire à moi-même, d’arrêter de mentir, de dire « elle », d’être MOI. Et de vivre cette histoire d’amour, qui a duré 9 ans, plus facilement. Alors j’ai commencé à le dire. D’abord à des personnes que je connaissais depuis peu. J’ai mis bien plus de temps à en parler à mes amis d’enfance qui m’avaient toujours connue « hétéro ». Et puis je l’ai dit à mon meilleur ami, à mon frère, puis à d’autres.
Cela n’a jamais été simple de le dire. J’avais peur de « lâcher une bombe », d’être jugée, de devoir me séparer de certaines personnes. Mais toutes les réactions ont été positives, je ne me suis jamais sentie rejetée. La seule chose que les gens ne comprenaient pas, c’est pourquoi je ne le leur avais pas dit avant, remettant en cause la confiance que j’avais en eux. Maudit mensonge et maudite société où il est très compliqué d’être différent, où l’on se conditionne tout seul. Je m’en voulais d’avoir raconté autant de conneries pendant toutes ces années à des amis qui se fichaient éperdument que je sois homo ou hétéro. Mais au moins, à présent, les choses étaient dites et, sans pour autant assumer au grand jour mon homosexualité, je me libérais d’un énorme poids, je ne mentais plus.
Cependant, il y avait encore quelqu’un à qui je ne le disais pas, ma mère. Il aura fallu que j’aie 26 ans et que ma mère vienne en week-end à Paris pour que nous soyons prêtes toutes les deux. Je m’en souviens comme si c’était hier, on n’oublie jamais je crois le coming out à ses parents. Nous étions assises dans ma cuisine, à prendre le thé, à parler de choses et d’autres. Puis ma mère m’a demandé comment allaient mes amours. Je lui ai répondu que c’était compliqué. Elle m’a demandé pourquoi. Je sentais bien qu’elle savait et qu’elle me tendait une perche immense. Et là, c’est sorti, enfin. Je lui ai répondu « parce que c’est pas un garçon, c’est une fille que j’aime ». Alors ma mère m’a dit « Jeanne, je le savais, je voulais juste que tu me le dises. Et la seule chose qui importe, c’est que tu sois heureuse ». Quel soulagement ce fut, et quelle légèreté retrouvée de ne plus s’inventer une autre vie. Et le bonheur d’avoir une maman délicate qui savait depuis longtemps mais qui avait attendu le bon moment et le bon endroit pour en parler.
Dix ans après, je vis de façon totalement épanouie mon homosexualité. J’en ris avec mon entourage. Je ne me cache plus. Je peux aller chez mes parents, accompagnée. Je ne rencontre aucune difficulté au travail où d’ailleurs je croise souvent plus d’homos que d’hétéros. Je suis engagée à CONTACT. Et si c’était à refaire, malgré les obstacles, un parcours parfois douloureux et les atrocités entendues ces derniers mois, je ne changerais rien. Cela m’a pris des années pour en arriver là mais je souhaite dire que l’on peut être homo ET heureux !
Jeanne, CONTACT Paris - Ile-de-France