Témoignage de Sarah - femme trans
Pour rassurer les lecteurs et les lectrices, je préciserai qu'il ne s'agit pas d'une lubie, d'une mode, mais c'est un réel besoin de vivre, d'exister.
La transidentité ne se vit pas de la même façon que l'on soit jeune adulte ou bien quinquagénaire. Mon témoignage concerne un parcours qui a pris forme après 50 ans. Quand on parle de parcours, on désigne souvent l'espace temps à partir du moment où l'on fait son coming out jusqu'à l'instant où l'on obtient sa nouvelle identité au regard de l'administration et de la société.Mais toute la vie est un parcours, que l'on soit homo, bi, lesbienne, trans, hétéro, nos chemins de vie, différents des uns des autres, ne sont pas toujours une autoroute rectiligne. Être trans, ce sont des années d'errance, souvent de souffrance entre un intérieur et un extérieur. J'avais un corps d'homme avec un sexe d'homme, alors j'étais un homme pendant des années, j'ai cultivé cette masculinité en faisant du sport, football rugby vélo, en faisant mon service militaire au sein de la brigade des sapeurs pompiers de Paris, en me mariant, en devenant Père. Mais votre féminité est là, bien présente, elle vous ronge, elle vous hante, puis un jour elle explose il faut qu'elle vive. Peu importe comment se manifeste cette explosion, travestissement, sortie en club, rencontre libertine.....la femme qui se cachait au fond de moi devait vivre, exister, avoir un visage, un corps.
Ces années de prétransition, entre homme le jour et femme la nuit, sont des années heureuses. Sarah est connue, reconnue, mais au fil du temps Sarah veut quitter cette vie artificielle, de mensonges pour une vie sociale, familiale et professionnelle, une vie de tous les jours. Alors commence ce long parcours : coming out (parfois douloureux), psychiatre, endocrinologue, chirurgien, avocat.....ce fut des années merveilleuses de soutien, d'écoute, de renaissance, et la chirurgie peut-être bien le plus beau moment de ma vie. Faire une transition à plus de cinquante ans, c'est s'exposer, prendre des risques, se confronter à l'incompréhension de ses proches (pourquoi maintenant ?), ne pas être forcément plus heureuse après qu'avant, mais c'est être satisfaite d'avoir eu le courage de le faire et de vivre enfin votre véritable identité. Aujourd'hui, je me lève femme, je vis femme, je suis reconnue comme femme, on me dit madame, on me regarde femme, je me couche femme. L'homme qui vivait en moi a disparu, mon entourage doit en faire le deuil.
Au cours de ces années de transition, j'ai eu l'occasion de découvrir l'association Contact et d'y adhérer.Pourquoi militer au sein de Contact ? D'abord pourquoi militer ? Pour prouver que je ne suis pas un monstre, une malade, que je peux très bien continuer à exercer ma profession, avoir une vie sociale, être respectueuse des règles de la société et être aussi moi-même respectée. Pourquoi choisir Contact et non une association trans ? Car Contact représente pour moi une association certes familiale mais aussi une association de vie réelle, moins communautarisée. Vous y croisez des parents, des amis, des homo, des lesbiennes, des bi, des hétéro …..parfois des trans …..vous y croisez la vie dans le but de dialoguer, échanger, accepter et combattre la bêtise humaine.
Ce témoignage n'a pas l'ambition de répondre à la question "Pourquoi ?" Car il n'y a pas de réponse, je souhaite faire comprendre que nous sommes des êtres humains, avec nos défauts et nos qualités, que nous revendiquons simplement le droit d'exister.
Sarah, CONTACT Vienne.